
Tag Elkhazin
Quand les choses se corsent
Forcé d’interrompre soudainement sa mission au Soudan pour cause de pandémie, Tag Elkhazin a quelques bons conseils à l’adresse des autres bénévoles d’USF pour faire face à l’imprévu.
Mars 2020 : constatant la propagation rapide d’un coronavirus dans le monde, l’Organisation mondiale de la santé déclare qu’il y a pandémie. Les frontières se ferment et une foule d’étrangers coincés sur la plage ou en voyage d’affaires se précipitent à l’aéroport pour rentrer au bercail. Arrivé au Soudan le 2 mars, Tag Elkhazin, bénévole d’USF affecté à l’Université de Bahri, à Khartoum, se trouve lui aussi dans une situation délicate.
Le Soudan émerge à peine des 30 années d’une dictature violente sous Omar al-Bashir. Depuis le coup militaire qui a renversé ce dernier, en 2019, le pays s’achemine d’un pas incertain vers la démocratie.
Après un départ chancelant, le projet de Tag progresse enfin. La tâche consiste à élaborer, pour le Centre d’études sur la paix et le développement de l’Université, un manuel de formation, d’accompagnement et de soutien pour faciliter la résolution les règlements politiques et la résolution de conflits entre communautés.
La tentative d’assassinat contre le premier ministre Abdalla Hamdok peu de temps auparavant souligne elle aussi la nécessité du projet.
Tag est spécialiste de renommée internationale de la Corne de l’Afrique et agrégé supérieur à l’École d’affaires internationales Norman Paterson de l’Université Carleton, à Ottawa. Universitaire et praticien, il est aussi à l’aise parmi des combattants aguerris qu’auprès de hauts fonctionnaires en veston Armani. Fort de dizaines d’années d’expérience et de relations dans les cercles diplomatiques et gouvernementaux, conciliant, mais tenace, Tag s’est bien tiré de ce qui ressemblait au chaos.

Dr Elkhazin et Mme Afag chez CPDS
Une pénurie d’essence paralyse la ville? Il trouve le carburant nécessaire à ses déplacements. On lui attribue un bureau délabré? Il engage des ouvriers qui le remettent en état. Quelques coups de téléphone lui suffisent à organiser une réunion avec d’insaisissables hauts fonctionnaires. Et USF veille à toutes les dépenses imprévues.
« Catherine (Catherine Cripps, coordonnatrice des bénévoles à USF) s’enquérait de ma situation deux ou trois fois par jour », se rappelle Tag, dont c’était la première mission pour USF.
Quand le gouvernement du Canada a rappelé tous les Canadiens au pays, USF a réagi promptement.
« J’avais deux billets, dont un en première classe pour le cas où je ne réussirais pas à trouver un siège en classe économique », raconte Tag à propos de l’évacuation d’urgence.
La santé et le bien-être des bénévoles sont des priorités absolues pour USF.
Certes, la mission de Tag dans la République du Soudan n’a rien de commun avec les missions habituelles d’USF, et son expérience met en lumière les compétences que l’organisation recherche chez ses bénévoles : il est passionné, son expertise est grande et il est déterminé à rehausser la qualité et les capacités des établissements d’enseignement supérieur des pays les moins développés.
« D’abord et avant tout, il faut de la résilience », dit-il. Les bénévoles qui quittent le milieu universitaire pour travailler dans l’hémisphère sud éprouveront quelques surprises et contretemps, qui ébranlent parfois sérieusement les projets, mais « s’il y a une lueur d’espoir, il faut s’y accrocher », ajoute-t-il.
Les conseils de Tag à l’adresse des bénévoles d’USF
Connaître le terrain. Il importe de bien comprendre à l’avance la conjoncture politique et sociale et la culture du lieu, et d’apprendre à composer avec l’incertitude. « C’est comme un iceberg, dit Tag : la réalité reste cachée à 80 %. Il faut vous y préparer. »
Soyez sensible aux différences culturelles. Tag suggère de prendre le temps de se familiariser avec la culture locale et ce qui est considéré comme un comportement acceptable de la part des étrangers. Les bénévoles ont avantage à maîtriser quelques règles d’étiquette pour éviter une situation délicate susceptible de détériorer les relations avec les collègues.
Savoir quand partir. « Demandez-vous pourquoi vous êtes sur place. Est-ce que les gens ont besoin de ce que vous leur apportez? La plupart du temps, la réponse est oui, mais on n’attend pas d’un universitaire bénévole la même tolérance au risque que d’un travailleur humanitaire ou d’un conseiller bien rémunéré. »
Aucun effort n’est vain. Faire du mieux qu’on peut dans une situation difficile, c’est déjà gratifiant. « J’étais déçu, certes, mais j’ai tout de même accompli une part du travail, disons de 30 à 35 % de ce que je comptais faire. Si j’avais pu rester encore trois semaines comme prévu, j’aurais mené le projet à bien », conclut Tag.
Qui est Tag?
Tag Elkhazin est professeur associé à l’Institut des études africaines de l’Université de Carleton, à Ottawa. Il est aussi agrégé supérieur à l’École Norman Pearson d’affaires internationales, membre de l’African Study Group d’Ottawa et membre du conseil d’administration de l’Archaeological Institute of America à Ottawa.
M. Elkhazin a étudié et travaillé au Soudan, en Suède, en Allemagne, en Arabie saoudite, en Éthiopie, au Kenya, en Érythrée, au Nigéria, au Tchad, au Canada et au Royaume-Uni. Il est membre de l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres, au R. U.
Tag Elkhazin est un fidèle des ateliers et des cours sur la résolution des conflits à partir des champs d’intérêt des parties offerts par ADR Chambers et le Stitt Feld Handy Group de Toronto. Il est l’auteur de plusieurs articles et analyses sur les conflits au Soudan et au Soudan du Sud, sur l’Autorité intergouvernementale pour le développement (de son nom anglais, IGAD) et l’Accord de paix complet, sur l’eau en général et les eaux du Nil en particulier, sur la société civile, la paix et le règlement des conflits. Il a d’ailleurs conçu lui-même un module de « règlement politique » entre groupes rebelles et gouvernements.